Jus de fruits : déconsommation et évolution de la demande des consommateurs
En France, la consommation de jus de fruits diminue régulièrement depuis plus de 10 ans : déconsommation pure et transfert de consommation vers d’autres boissons sucrées sans alcool. Plusieurs éléments pourraient expliquer cette tendance : prix, perte de l’équivalence portion de fruits dans le PNNS, déport de consommation vers de nouvelles boissons … Cependant, du point de vue de la composition, il est essentiel de distinguer les jus de fruits des autres boissons sucrées, bien plus riches en nutriments et sans sucres ajoutés.
Comment expliquer la tendance de baisse de consommation de jus de fruits ?
La consommation de jus de fruits est profondément enracinée dans les habitudes des Français, avec 90% de consommateurs réguliers au sein de la population[1]. Les jus de fruits se sont imposés comme des incontournables de notre quotidien, consommés principalement au petit-déjeuner ou au goûter. En effet, la France est aujourd’hui le second marché européen, derrière le marché allemand, avec une préférence pour les produits « pur jus », signes de l’exigence de qualité des consommateurs français.
Cependant, en dépit de son statut de produit du quotidien, la consommation de jus de fruits est en déclin. Nous allons explorer les causes de cette déconsommation.
Dégradation de la perception des jus de fruits par les Français
La perception des jus de fruits par les Français s’est dégradée sur les dernières années, notamment sur l’aspect santé. La récente reclassification du Programme National Nutrition Santé (PNNS), qui a déplacé en 2019 les jus de fruits de la catégorie des Fruits et Légumes à celle des boissons sucrées a certainement eu un impact auprès des consommateurs.[2]
Cette reclassification des jus de fruits a des conséquences. Désormais intégrés dans la catégorie des boissons sucrées, la frontière entre jus de fruits et boissons contenant des sucres ajoutés s’efface, semant la confusion chez le consommateur.
Les médias ont accompagné cette reclassification d’un grand nombre d’articles à charge contre les jus de fruits, et notamment sur leur teneur en sucres en comparaison avec d’autres boissons contenant des sucres ajoutés.
Hausse des coûts de production et du prix des produits finis
La question du prix entre également en jeu, qui malheureusement amalgame des produits complètement différents. Les jus de fruits sont souvent considérés comme des produits premium. Fabriqués à partir de matières premières nobles, leurs coûts de production n’ont fait qu’augmenter ces dernières années, impactant le prix de vente. Or, en période d’inflation, avec la hausse des prix du panier moyen, on constate que les consommateurs ont tendance à faire des compromis sur la qualité alimentaire, privilégiant des produits moins chers, et de moindre qualité. Ainsi, de plus en plus de consommateurs semblent faire évoluer leur consommation et se tourner vers des boissons plus abordables.
Ces différentes causes ont fortement impacté le marché des jus de fruits, avec une décroissance de 25 % en 10 ans, soit environ 3 % chaque année depuis 2015.1 En 2023, le marché des jus représentait 1,9 milliard d’euros, pour 1,06 milliard de litres vendus, un chiffre en nette diminution par rapport à 2019 et ses 1,3 milliard de litres. Ce marché est arrivé à maturité, à l’exception de certains segments comme les jus bio.
Les jus de fruits occupent une place spécifique dans l’équilibre alimentaire
La fabrication et la composition des jus de fruits sont rigoureusement encadrées par la loi au niveau européen.[3] Aussi, ils ne contiennent aucun sucre ajouté ni édulcorant. Leur processus de fabrication, leur composition et leur naturalité sont donc bien différents de ceux des autres boissons inclues dans la catégorie « boissons sucrées ». Cela transparait notamment du côté de la notation Nutri-Score, une majorité des jus ayant la note C.
La densité nutritionnelle des jus de fruits est proche de celle des fruits dont ils sont issus
Issus directement des fruits, les jus de fruits contiennent, à l’exception des fibres, l’essentiel des nutriments présents dans les fruits d’origine et en quantités comparables : vitamines, minéraux, polyphénols, sucres naturellement présents dans les fruits.
Par exemple, un verre de 150 ml de jus d’orange contient en moyenne 83 mg de vitamine C [4], soit environ 60 % des besoins journaliers d’un adulte[5]. De plus, la biodisponibilité des polyphénols est souvent supérieure à celle des fruits frais, ce qui renforce leur effet antioxydant. Pour toutes ces raisons, les jus de fruits représentent une alternative pratique, particulièrement le matin, pour faire le plein de vitamines et de minéraux semblables à ceux des fruits frais.
Les jus de fruits conservent donc la densité nutritionnelle des fruits dont ils sont issus, qui est significativement supérieure à celle des autres boissons sucrées.
Les Français, des consommateurs modérés de jus de fruits
En France, la consommation moyenne de jus de fruits reste relativement modérée et inférieure[6] à la limite de 150 mL par jour recommandée par la profession, ce qui démontre une consommation raisonnée et équilibrée, apportant les avantages nutritionnels des jus de fruits, sans excès. Par ailleurs, les jus les plus consommés ne sont pas les plus sucrés. Du fait de la nature et des volumes de jus de fruits consommés en France, leur contribution aux apports en sucres journaliers reste relativement faible et représente 10,5% des apports en sucres simples des adultes.
Par ailleurs, consommés au moment du petit-déjeuner ou du goûter par 80 à 92% des Français, ils sont assimilés avec le reste du bol alimentaire et ne présentent que peu d’effet snacking.
Les jus de fruits, un levier intéressant pour augmenter la consommation de fruits et légumes des Français
Une majorité des Français n’atteint pas les recommandations de consommation de 5 fruits et légumes par jour : en 2021, 78% des adultes et 90% des enfants ne l’atteignent pas. Les CSP- sont d’autant plus concernées puisque la consommation de fruits a augmenté entre 2016 et 2019, sauf au sein de cette catégorie[7]. Aussi, un apport complémentaire en nutriments (vitamine C, vitamine B9, potassium, bêta-carotène ou polyphénols) peut s’avérer utile.
Les jus de fruits peuvent agir sur 4 leviers pour augmenter la consommation de fruits et légumes des Français :
- La praticité : résistance au transport, consommation nomade, facilité de consommation
- Les habitudes alimentaires : comme l’appétence pour certaines textures plus ou moins fermes ou granuleuses
- Le coût : 1 verre de 150 mL de pur jus d’orange coûte 0.28€[8] vs 2 oranges (pour faire 150 mL de jus d’orange) coûtent 1.03€[9]
- La digestibilité : confort digestif lié au caractère irritant de certaines fibres consommées crues peut expliquer l’inadéquation entre recommandations et consommations pour les fruits et légumes.
Il est cependant important de garder à l’esprit que les jus doivent venir en complément de la consommation de fruits et légumes frais, et non remplacer leur consommation. S’ils peuvent aider à réduire les risques d’accidents vasculaires cérébraux et à améliorer la santé cardiovasculaire, en abaissant la pression artérielle et le taux de cholestérol grâce aux polyphénols et flavonoïdes qu’ils contiennent, une consommation excessive peut entraîner des effets délétères.[10]
[1] NIELSEN et UNIJUS – 2021 – périmètre : HMSM + SDMP + Proxi + Drive
[2] Programme National Nutrition Santé 4
[3] PARLEMENT EUROPÉEN ET CONSEIL Européen. Directive 2012/12/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2012 modifiant la directive 2001/112/CE du Conseil relative aux jus de fruits et à certains produits similaires destinés à l’alimentation humaine. OJ L vol. 115 (2012).
[4] ANSES. Composition nutritionnelle des aliments. Tables CIQUAL 2022
[5] Règlement (UE) N°1169/2011 du Parlement Européen et du Conseil du 25 octobre 2011 – Annexe XIII – Apports de référence
[6] CREDOC, Consommations et comportements alimentaires en France, 2019
[7] CREDOC. Renversement de tendance : les Français végétalisent leur alimentation, 2021
[8] Nielsen, prix période à P0424 (jus d’orange)
[9] INSEE, Prix moyens mensuels – avril 2024 (orange)
[10] Rana A, Samtiya M, Dhewa T, Mishra V, Aluko RE. Health benefits of polyphenols: A concise review. J Food Biochem. 2022 Oct;46(10):e14264. doi: 10.1111/jfbc.14264. Epub 2022 Jun 13. PMID: 35694805
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