Carence en vitamine C et scorbut : l'importance des jus de fruits pour les enfants
Une recrudescence inquiétante du scorbut chez les enfants
En 2023, en France, 888 enfants ont été hospitalisés pour une carence sévère en vitamine C, un chiffre alarmant issu d’une étude[1] publiée dans The Lancet. Cette maladie, connue sous le nom de scorbut et autrefois considérée comme éradiquée dans les pays développés, refait surface à un rythme inquiétant. Depuis 2020, une augmentation de 34,5 % des cas a été observée, corrélée à des facteurs socio-économiques exacerbés par la pandémie de COVID-19 et l’inflation.
Paradoxalement, cette recrudescence intervient alors que les recommandations alimentaires évoluent. Depuis 2019, les jus de fruits, pourtant les premiers contributeurs en vitamine C chez les enfants, ont perdu leur statut d’équivalence à une portion de fruit dans les recommandations du PNNS (Programme National Nutrition Santé). Résultat : la consommation de jus a chuté de plus de 20% en cinq ans[2], tandis que des boissons pauvres en nutriments mais économiquement plus accessibles gagnent du terrain.
Face à cette situation, il est urgent de repenser la place des jus de fruits dans notre alimentation et de sensibiliser les acteurs de santé publique à leur rôle indispensable dans la lutte contre les carences nutritionnelles.
Scorbut et carence en vitamine C : un marqueur d’inégalités alimentaires
Le scorbut, autrefois lié au régime alimentaire des marins en mer carencé en vitamine C, était considéré comme disparu dans les pays développés. Cependant, une étude menée en France a récemment révélé que 888 enfants ont été hospitalisés entre 2015 et 2023, avec une augmentation marquée des cas après 2020. Ce phénomène met en lumière les inégalités alimentaires et socio-économiques croissantes. Parmi ces enfants, la majorité souffrait également de malnutrition sévère, soulignant un contexte de précarité alimentaire.
La vitamine C, essentielle pour le bon fonctionnement du système immunitaire, la cicatrisation et la formation du collagène, est particulièrement cruciale pour les enfants en pleine croissance. Pourtant, une alimentation déséquilibrée, marquée par un accès limité aux fruits frais ou aux jus de fruits 100%[3], prive de nombreux enfants de cet apport vital.
L’étude souligne également l’impact des bouleversements socio-économiques récents. L’inflation galopante, combinée à la crise sanitaire de 2020, a réduit le pouvoir d’achat des ménages les plus vulnérables. Cela a favorisé la consommation de produits moins nutritifs mais bon marché, accentuant les risques de carences chez les populations à risque, en particulier les enfants.
Dans ce contexte, la recrudescence du scorbut dépasse le simple cadre médical : elle reflète une véritable fracture nutritionnelle.
Les jus de fruits : premiers contributeurs en vitamine C chez les enfants
La vitamine C est un nutriment essentiel pour le développement et la santé des enfants. Pourtant, les données de consommation révèlent une inadéquation importante aux recommandations chez les enfants non-consommateurs de jus de fruits.
Un petit verre de jus d’orange (150 mL) apporte 55,5 mg de vitamine C, soit l’équivalent des besoins journaliers en vitamine C d’un enfant de moins de 10 ans. En 2019, une étude du Crédoc a montré que 56 % des enfants consommant régulièrement des jus de fruits atteignaient les recommandations en vitamine C, contre seulement 19 % des enfants non-consommateurs. Cela positionne les jus de fruits comme le premier contributeur en vitamine C chez les enfants.
Dans le contexte actuel d’inflation, l’accessibilité à des produits nutritionnels de qualité est un enjeu majeur, notamment pour les ménages modestes. Les jus de fruits du commerce offrent une solution économique particulièrement intéressante, en particulier pour l’apport en vitamine C, essentielle à la santé, et pour prévenir les carences en vitamines. En effet, un litre de jus d’orange du commerce coûte en moyenne 1,84 €, soit environ 0,28 € le verre de 150 mL[4]. À titre de comparaison, pour obtenir la même quantité de jus d’orange « maison », il faut compter environ 5,16 € pour 1 litre, ce qui équivaut à 1,03 € le verre de 150 mL, soit quatre fois plus cher[5]. Cette différence de prix est significative, surtout pour des familles avec des ressources limitées.
Les jus de fruits, en tant que sources naturelles et économiques de vitamine C, jouent un rôle clé dans la couverture des besoins nutritionnels des enfants. Leur contribution devrait être reconnue et valorisée dans un contexte de lutte contre les carences, de lutte contre la précarité alimentaire et de prévention des maladies comme le scorbut.
Une stigmatisation injustifiée et ses conséquences
Les jus de fruits ont été stigmatisés ces dernières années en raison de leur teneur naturelle en sucres. Cette perception, largement relayée dans les médias et les politiques nutritionnelles, a occulté leur densité nutritionnelle. Les jus de fruits se distinguent des sodas et autres boissons sucrées par leur forte teneur en vitamine C et l’absence de sucres ajoutés.
Cette stigmatisation a également été renforcée par le retrait, en 2019, de leur statut d’équivalence à une portion de fruit dans les recommandations du Programme National Nutrition Santé (PNNS). Ce déclassement des jus de fruits a entraîné des conséquences inattendues. Si la consommation de jus de fruits a chuté de 9 % en 2024 et de plus de 20% depuis 2019, on a pu observer en parallèle une montée en puissance de boissons aux fruits à faible teneur en fruits, souvent composées de moins de 15 % de fruits avec sucres ajoutés. Ces produits, parfois présentés dans le même rayon que les jus de fruits 100%, créent une confusion chez les consommateurs et remplacent peu à peu les jus de qualité.
Résultat : les familles ne savent plus faire la différence entre un jus de fruits et une boisson aux fruits, et les enfants consomment de moins en moins de nutriments essentiels à leur santé.
In fine, le transfert de consommation des jus vers des boissons pauvres en nutriments a amplifié le phénomène des « calories vides », où les apports énergétiques ne s’accompagnent d’aucun bénéfice nutritionnel. Contrairement aux jus de fruits riches en vitamine C, ces alternatives n’apportent aucun nutriment clé, aggravant ainsi les risques de carences, en particulier chez les enfants et les populations vulnérables.
Réduire les jus de fruits à leur teneur en sucres, sans tenir compte de leur densité nutritionnelle, masque leur rôle fondamental dans l’alimentation. En les dévalorisant, on prive les familles d’un moyen simple, accessible et efficace de couvrir des besoins essentiels en vitamine C, contribuant ainsi à des problématiques de santé publique alarmantes comme la recrudescence du scorbut.
Sensibiliser sur l’importance des nutriments du fruit
La recrudescence du scorbut chez les enfants en France est le symptôme alarmant d’une alimentation de plus en plus carencée en vitamine C. Dans ce contexte, les jus de fruits, et particulièrement les jus d’agrumes, constituent une solution nutritionnelle simple et accessible, capable de couvrir les besoins journaliers en vitamine C de milliers d’enfants.
Cependant, la stigmatisation injustifiée des jus de fruits, liée à leur teneur en sucres, a conduit à une déconsommation préoccupante au profit de boissons moins nutritives. Ce phénomène révèle une double fracture : nutritionnelle, avec une hausse des carences, et sociale, avec une diminution de l’accès à des aliments de qualité pour les ménages les plus modestes.
Il est urgent de revaloriser le rôle des jus de fruits 100 % dans les politiques de santé publique et dans les recommandations alimentaires, afin de lutter contre les carences nutritionnelles et leurs conséquences dramatiques. Les acteurs de santé, les nutritionnistes et les décideurs politiques doivent unir leurs efforts pour sensibiliser sur l’importance des nutriments du fruit dans l’équilibre alimentaire, en particulier chez les populations vulnérables.
[1] Assad, Z., Trad, M., Valtuille, Z., Dumaine, C., Faye, A., Ikowsky, T., Kaguelidou, F., Osei, L., Ouldali, N., & Meinzer, U. (2024). Scurvy incidence trend among children hospitalised in France, 2015–2023: A population-based interrupted time-series analysis. The Lancet Regional Health – Europe, 10, 100213. https://doi.org/10.1016/j.lanepe.2024.100213
[2] Période 2019-2024. Données NielsenIQ Cumuls annuels – périmètre HMSM+SDMP+Drive+Proxi (hors circuits spécialisés, hors CHD)
[3] Tous les jus de fruits ont une teneur en fruits 100% et sont sans sucres ajoutés (pur jus et jus à base de concentré)
[4] Nielsen, prix période à P0424
[5] Insee, prix moyen mensuel – avril 2024
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